Sous la pluie [May']

Zéphyr marchait vite, se dirigeant vers la sortie. Les élèves se bousculaient vers la Grande Salle, comme un vulgaire troupeau de moutons, n'attendant plus que le moment ou ils se retrouveraient face à leurs assiettes remplies de mets délicieux, mais dont Zéph' ne raffolait pas spécialement. Dévalant les escaliers sans s'excuser auprès de la bonne dizaine de personnes qu'elle avait poussé violemment à l'aide de son épaule, elle se rendait vers son dortoir, pour y récupérer son écharpe, sa cape et... Rien d'autre. Non, elle n'avait pas besoin de prendre ses affaires de cours pour l'après-midi qui allait suivre, elle avait décidé de ne pas y aller. C'était plutôt pratique en fait : pendant que tout le monde était concentré sur l'arrivée imprévue des forces moldues à n'importe quel moment de la journée, ou de l'interrogatoire du Ministre Anglais, personne ne se douterait que la jeune fille avait, en effet, sécher les cours. Pendant qu'elle fouillait ses valises en quête de quelques couches de tissus à se rajouter sur les épaules, elle se demanda ou Mayura avait bien pu passer. Elle l'avait croisé ce matin en se levant, elle avait même pris son petit déjeuner en sa compagnie. Mais il semblait qu'elle n'ait pas suivi le dernier cours de la matinée... Zéphy' fronça les sourcils. Comment se faisait-il que son amie ne l'ait pas prévenue d'une éventuelle absence ? Ce n'était pas vraiment dans leurs habitudes de se quitter sans se prévenir ! De toute manière, elles ne supportaient pas ça. Quelque chose n'allait pas, donc. Peut-être May' avait-elle envie de se retrouver seule avec elle-même, ne serait-ce qu'une petite heure dans sa vie ? Mais c'était tout de même étrange. Resserrant une dernière fois son écharpe autour de son cou presque aussi blanc que la neige, elle décida d'en avoir le coeur net...

Inutile de vérifier si son amie se trouvait dans la Grande Salle, Zéph' le savait déjà. La deuxième solution qui s'offrait à elle : le Parc. Allez savoir pourquoi, mais lorsqu'il pleuvait comme aujourd'hui, c'était le seul endroit que les deux jeunes filles avaient trouvés pour s'isoler du reste du monde, ne serait-ce que pour une heure. A peine sortie, la Serpentard était déjà trempée. C'était incroyable à quel point ce pays pouvait être aussi... Ensoleillé. Mais peut importait à la jeune fille. Elle aimait la pluie, et ce n'était certainement pas quelques gouttes d'eau et un peu de vent dans ses longs cheveux bruns qui allaient la déranger. Du moment qu'elle retrouvait son amie, là, quelque part au dehors. Elle serait alors rassurée. Et même bien plus que cela. Du regard, elle fouillait le parc tout entier : les bancs, la cime des arbres, les rives du lac... Elle passait tout au peigne fin. Quand, enfin, après quelques minutes de recherches, elle retrouva enfin Mayura, assise dans l'herbe, au beau milieu de nul part. Zéph' n'hésita pas une seconde, et vint à sa rencontre. Elle s'assit à ses côtés, calmement, un petit sourire en coin, comme pour essayer de redonner un peu de gaieté à tout ce décor morbide.

- T'es là... J't'ai cherché partout.

Elle regardait Mayura, essayant de comprendre la raison pour laquelle elle avait voulu sortir par un temps pareil. Elle avait peut-être des soucis, comme elle aurait tout aussi bien pu avoir envie de prendre l'air avant de reprendre les cours.

- Ca va toi ?

Elle essaya un deuxième petit sourire, comme pour essayer de redonner le moral à son amie, consciente que, si ça se trouvait, elle se portait très bien. Zéphyr leva son regard vers le ciel, comme pour l'implorer d'arrêter de pleurer. Non pas que ça commençait à la gêner de se faire harceler par des milliers de gouttes d'eau, mais presque... Mais peut importe. C'était Mayura qui était la plus importante, à cet instant. Même si une tornade s'apprêtait à détruire tout Poudlard, le calmar sortait de son trou et bouffait tous les élèves présents dans le parc à cet instant (c'est-à-dire, elles deux), ou si un prof bienveillant se trouvait dans les parages et les forçait à rentrer se mettre à l'abris...

En effet, Mayura était bien au parc, en plein moment de solitude, selon son choix. Le matin même, elle s'était réveillée d'assez mauvaise humeur, ce qui n'était plus tellement étonnant de sa part à présent. Une fille avec qui elle partageait son dortoir avait délibérément décider de faire la guerre des coussins, sans prévenir, elle avait envoyé valser son traversin en face d'elle, dans un élan de rage, allez savoir pourquoi d'ailleurs. Le projectile attérit pile sur Mayura qui somnolait tranquillement, profitant des dernières minutes de répis qu'elle avait encore en sa possession. La jeune fille se réveilla dans un sursaut... et un grognement. Elle fusilla sa partenaire du regard, attendant une explication. Mais comme celle-ci ne vint pas, et que la coupable se faisait les griffes sur ses vêtements, Mayura décida tout simplement de lui renvoyer son traversin. S'engagea ainsi une bonne petite dispute matinale qui eut le don de réveiller Zéphyr, qui n'avait rien demandé à personne, elle.

Les cris des deux jeune filles parvinrent aux oreilles de Rusard qui entra nonchalament dans le dortoir, pourtant réservé à la gente féminine. Celui-ci n'en fit ni une ni deux, il empoigna le bras de Mademoiselle la Rageuse aux Coussins et lui demanda de ce qu'il se passait.

- J'trouve plus mes chaussures... J'déteste perdre quelque chose...

Et Mayura, à présent debout sur son lit, tenant en main sa baguette magique, prête à s'en servir, faillit retomber sur les fesses. C'était simplement pour ça que sa colocataire s'était excitée? Le concierge mima une simple grimace et promit quelques heures de retenues aux deux jeunes filles pour leur conduite désobligeante. La rentrée commençait bien pour l'asiatique. Bien sûr, elle eut le temps, avant d'aller en cours, de remercier gentiment sa colocataire pour la punition. A savoir que celle-ci était peut-être encore enfermée dans le placard de la chambre... Ou une âme charitable l'aurait délivrée? Toujours est-il que Mayura se ravissa doucement en prenant son petit déjeuner en compagnie de Zéphyr, à parler de choses et d'autres, à contempler les nouvelles têtes des premières années... Qu'elle devra supporter tout le long de l'année. Puis le début des cours, rien de plus barbant, mais en même temps nous sommes dans une école. Tout le monde ne parlait que des Moldus, ce qui avait le don d'énerver Mayura. Aussi décida t-elle de se séparer des autres, une heure ou deux, quitte à faire sauter le dernier cours de la matinée.

Ainsi, une heure avant le déjeuner dans la Grande Salle, la Serpentard s'éloigna du château en direction du parc, vêtue de sa robe de sorcière ainsi que de son écharpe aux couleurs de sa maison vénérée. Que fallait-il de mieux pour l'accueillir que la pluie? Alors son premier sourire depuis ce début de journée fit son apparition. Sentant les gouttes lui caresser les joues, elle leva son regard bleu jusqu'au ciel et contempla les nuages quelques secondes, avant de s'installer là, au milieu du parc, dans l'herbe humide et déserte. Elle y resta une heure, mais ne vit pas le temps passer. Elle pensait juste à l'année dernière... Chamboulée, comme d'habitude d'ailleurs. Depuis qu'elle était à Poudlard, il ne s'était pas passé un seul jour sans qu'il se passe quelque chose d'extraordinaire. Soudain, l'adolescente fut perturbée dans sa contemplation du paysage anglais par une voix familière. Elle ne tourna pourtant pas la tête, ne connaissant que trop bien la personne qui s'installait près d'elle. Malgré la question posée, elle mit quelques minutes avant d'ouvrir la bouche et reprendre ses facultés vocales.

- Ca va...

Comme d'habitude... Elle jouait l'hypocrite. C'était fou d'ailleurs à quel point elle pouvait le faire même avec ses amis. Mais c'était dans ses habitudes à présent... Non ça n'allait pas. Pas de déprime en vue, mais il faut dire que la journée avait plutôt mal débutée, n'est-ce pas? Comment sourire à la vie quand on était en retenue avec Rusard pour la soirée? Qui plus est avec la petite peste avec qui elle partageait son dortoir.

Inutile d'insister plus que cela, Zéphyr avait très bien compris que son amie n'allait pas bien. Du moins, qu'elle n'était pas de très bonne humeur. La connaissant, ce qui avait du se produire dans les vestiaires, le matin même, ne l'avait certainement pas enchantée. Et elle non plus d'ailleurs. Il fallait dire que Zéphyr, tout comme Mayura, aimaient profiter des dernières minutes de sommeil qui leur rester, avant même de poser un pied sur le sol glacial du dortoir, et d'aller se préparer pour la journée de cours à venir, toujours avec cette même motivation, envie, joie... Mais il y avait des fois comme celle-là, ou il suffisait qu'une fille de leur maison soit assez stupide pour réveiller tout le reste de sa maison, juste pour avoir perdu une simple paire de chaussures. C'en devenait exaspérant. Il était donc compréhensible que May' soit quelque peu irritée par cette affaire, surtout lorsqu'elle avait eu droit à une retenue de la part du concierge. Zéphyr se contenta donc de regarder son amie un instant, avant de détourner son regard vers le lac.

Comme d'habitude, elle ne savait pas vraiment quoi répondre à la Serpentard qui se trouvait assise à ses côtés, sans passer pour une idiote, ou devenir agaçante avec des blagues qu'elle avait déjà du raconter des milliers de fois. Même auprès des quelques amis qu'elle avait en sa possession, elle n'aimait pas que ceux-ci est une mauvaise image d'eux. Ce qui l'obligeait parfois, même plus souvent qu'elle ne s'en rendait compte, à ne plus être elle-même. Sa bonne humeur, sa jovialité, son sourire charmeur et son sens de l'humour ultra développé prenait alors le dessus sur son côté plutôt noir, son envie de cracher sur toutes les personnes qu'elle croisait, de mépriser le monde entier, et de faire en sorte que tout lui apartienne. Car avant tout, Zéphyr avait peur d'une seule et unique chose : que l'on cesse de l'apprécier, qu'on la laisse tomber, du jour au lendemain. Alors c'était la seule issue qu'elle avait trouvée jusqu'à ce jour. Faire la gentille petite fille à sa maman, bien travailler à l'école, et rester dans le droit chemin. Mais en grandissant, son envie de tout foutre en l'air se faisait de plus en plus ressentir. D'un côté, elle decevrait bon nombre de personnes, mais d'un autre, elle serait peut-être plus heureuse en assumant sa vraie personnalité... Elle en avait assez de se faire mener par le bout du nez par des préjugés bidons. Tout ce qu'elle voulait, cette année, c'était avant tout qu'on la laisse tranquille. Le chaos allait se répendre petit à petit dans le monde des sorciers. Elle allait très certainement en faire autant avec elle-même.

- J'ai décidé d'pas aller en cours cet après-midi. Ca te dirait d'aller t'changer un peu les idées à la bibliothèque avec moi ?

Quoi ! Elle avait bien le droit d'essayer quelque chose, non ?! Zéphyr n'allait pas laissée son amie là, assise au beau milieu du parc, seule et trempée jusqu'aux os, pendant qu'elle-même serait sûrement en train de prendre une bonne douche chaude et de se gaver d'une bonne centaine de bonbons en écrivant, une fois de plus, une lettre à ses deux chers frères ? Ou peut-être serait-elle affalée sur un grimoire ancien traitant du corps humain et des techniques de médecines sorcières... Quoi qu'il en soit, elle n'allait pas entreprendre cela toute seule ! Alors, soit Mayura décidait de rester là toute l'après-midi durant, ou voulait elle se changer les idées et rentrer au château en compagnie de Zéphyr.

- Tu vas pas rester là pendant 4 heures !...

Zéph se doutait bien que la tâche allait être peut-être un petit peu plus dur à réaliser que prévu. Mais elle restait confiante, et espérait que son amie allait bien finir par la suivre, d'un moment à l'autre. Elles avaient besoin de se retrouver toutes les deux. A chaque départ en vacances, elles ne cessaient de penser à l'autre, et n'attendaient plus que la rentrée, et le moment ou elles pourraient enfin se revoir. Oui, c'était presque une histoire d'amour. Ou une addiction. Au choix. Quoi qu'il en soit, depuis qu'elles avaient appris à se connaître, elles ne pouvaient pratiquement plus se lacher d'une semelle. C'était ainsi, et personne au monde ne serait capable de briser le lien fraternel qui les lit depuis 6 années déjà...

Six ans déjà qu'elles se connaissaient? Oui mais il fallait dire que le début n'était pas des plus enchanteurs. En effet, la Mayura de première année ne ressemblait en rien à celle de maintenant. Plutôt introvertie et consciente de ses charmes, elle laissait paraitre une image timide et n'osait que très peu s'approcher des autres, qui pourtant semblaient plutôt bien intéressés. En milieu d'année, elle va se découvrir un don pour la manipulation. Gardant sa petite réputation de gentille fifille, elle dévoile la majeure partie des secrets des uns, aux autres, devenant bientôt la Reine des Ragots. Il faut dire que ça l'amusait, la gamine...

A force cependant, elle se lassait de ce jeu-là et finalement laissa tout tomber, se concentrant sur ses études, selon les réclamations de son père. Et elle avait connu Zéphyr, avec qui elle partageait son dortoir. Comme bien des filles, Zéphyr n'appréciait pas beaucoup la présence de Mayura, et c'était réciproque. Mayura s'entendait déjà plus avec les garçons qu'avec les minettes, d'ailleurs, il était de même pour Zéphyr. Elles avaient toutes deux un caractère bien trempé et ce fut pourtant la compétition qui les lia.

Comme toujours, Serpentard désirait garder la vedette de la coupe des Quatre Maisons face aux Gryffondor. Et Mayura dû bien s'associer aux autres filles pour faire augmenter le quota des points au fur et à mesure des jours qui passaient. Elle découvrit en Zéphyr une amie remarquable, telle qu'elle l'avait rêvé. Le temps s'écoulait et il fallait se rendre à l'évidence: Elles ne passaient pas trente secondes sans partager un délire d'enfants qui pourtant pourrait encore les faire s'écrouler de rire à l'heure qu'il est. Mais cette relation fut la source de bien des rumeurs, quant à l'orientation sexuelle des deux jeunes filles. Oui, c'était inévitable, on pouvait les prendre pour des... Personnes de l'autre côté de la barrière. Mais il faut dire aussi qu'elles s'en moquaient bien, justement, ça avait le don de faire rire Mayura.

Il y avait l'amitié, l'amour... Et l'addiction. Ces deux adolescentes planaient dans cette phase actuellement, sans être passées par la case "amour" au contraire des dires. C'était comme des soeurs en somme, l'une était anglaise, l'autre japonaise, pourtant elles ne voyaient aucune différence.

- J'ai envie d'chanter...

Dit soudainement May', un sourire malicieux se pointant doucement sur ses lèvres. Elle ne décrocha toujours pas son regard du lac. On pouvait la croire folle sur ce coup-là... Le froid l'avait atteinte? Mais non! Et Zéphyr le comprendrait très bien. Encore un délire, cette fois-ci datant de l'année dernière tout juste. On s'y revoyait encore d'ailleurs; Mayura se plaignant d'une chose, et Zéphyr qui lui répondait simplement "J'ai envie d'chanter" sans avoir prêté attention aux paroles de son amie. C'était un peu comme une vengeance, Mlle Kenston tentait désespérément de faire bouger May' de la pelouse mouillée pour l'emmener au chaud à la bibliothèque, qui faisait véritablement office de Temple Sacré de la Littérature pour la japonaise, et celle-ci s'en fichait comme de sa première paire de chaussettes et ne bougeait pas d'un cil.